Depuis le développement du digital learning, les offres de « formations sur étagère » et autres « pick-and-learn » se sont multipliées – souvent pleines de promesses, souvent aussi décevantes. Est-ce l’eldorado de la formation comme l’ont promis les promoteurs de ces solutions ? ou une vraie fausse bonne idée, comme beaucoup le croient ?
La digitalisation du secteur de la formation est assez mûre maintenant pour pouvoir proposer un état sérieux de la question.
Les gains des contenus sur étagère
L’argument premier, et réel, qui plaide en faveur de l’achat de contenus de formation sur catalogue, c’est assurément le gain de temps : à la fois la rapidité de production des parcours de formation, et celle de leur déploiement. Avec la généralisation du SCORM, qui règle la question des formats, cet avantage est d’autant plus évident.
Il en résulte très logiquement des économies, avec une rentabilité aisée à calculer – ce qui est appréciable.
Vous trouverez ici, par exemple, une calculatrice de rentabilité pour l’achat de modules de formation afin de digitaliser partiellement des titres RNCP
Notez qu’il existe deux modèles économiques pour les contenus achetés sur étagère : soit la licence par utilisateur, soit l’achat du contenu avec accès illimité. Il est essentiel de pouvoir choisir le modèle qui correspond à son besoin réel.
Un autre avantage des contenus sur étagère est que leur qualité est connue. Un programme de digitalisation n’est jamais sans risque sur le niveau final de ce qui sera produit… D’où aussi l’aléa sur le coût final de toute digitalisation sur mesure.
En pratique, l’achat de contenus de formation sur étagère est particulièrement indiqué pour lancer une formation, ou pour des POC, ou encore pour des formations qui ont vocation à être peu consommées ou peu achetée et qui donc ne permettent pas un amortissement adéquat d’une digitalisation sur mesure.
Et les limites…
La contrepartie logique d’acquérir des contenus de formation sur étagère est qu’ils ne sont pas personnalisés. Ils peuvent notamment être éloignés de la culture de l’institution, ou proposer des exercices ou des exemples qui ne correspondent pas à votre besoin précis. Pour y remédier, certains modules nécessiteront une digitalisation sur mesure, en complément de ceux livrés sur catalogue.
Autre point d’attention, vos contenus sur étagères ne seront pas homogènes s’ils proviennent de plusieurs sources. Bien sûr, il ne faut pas craindre une certaine hétérogénéité parce qu’aucun apprenant ne suivra la totalité de tous les parcours, et donc que cette diversité ne sera pas perçue. Mais au sein d’un même parcours, cela peut poser problème si les écarts, notamment pédagogiques, sont trop marqués.
L’enjeu est la pédagogie !
En réalité, le « prêt à l’emploi » est une illusion en matière de formation. Aucune offre ne dispense pas d’une ingénierie pédagogique ; les parcours ne sont pas que des modules juxtaposés ! En choisissant des contenus pré-produits, il faut quand même faire intervenir des formateurs, concevoir l’expérience apprenante, penser les parcours, faire la part du synchrone et de l’asynchrone…
A défaut de ce travail, le risque est grand d’acheter des choses inutiles. En ce sens, il y a peu d’intérêt à acheter une banque de vidéos tutos, en imaginant que les apprenants iront par eux-mêmes puiser dedans. L’expérience a assez montré que ceci ne fonctionne pas. Un module n’est rien hors d’un parcours, et l’apprenant doit être guidé, accompagné.
L’achat de contenus sur étagère n’est pas une solution miracle, mais un complément bien utile pour accélérer la digitalisation des parcours à bon prix.
Cependant, il reste une objection majeure qui mérite d’être levée.
Le sur-étagère ne conduit-il pas à l’indifférenciation des écoles ?
Il existe une crainte que l’utilisation de modules communs entre plusieurs écoles ou organismes de formation dilue la singularité de chaque institution.
Il faut en revenir aux fondamentaux. Les programmes des diplômes d’État et des titres professionnels sont les mêmes partout, et ceux de nombreux titres RNCP sont extrêmement proches les uns des autres. Est-ce que chaque établissement n’en fait pas pour autant une expérience apprenante unique ? En réalité, c’est la pédagogie qui fait la différence ! Ce qui se traduit dans des agencements singuliers, un rapport différent au synchrone et à l’asynchrone, des modes d’accompagnement spécifiques…
La question est la même que pour les manuels scolaires et universitaires. Certains de ces ouvrages font référence et sont utilisés dans la plupart des écoles d’un domaine : aucune ne s’en trouve diminuée ni indifférenciée.
Encore une fois, l’enjeu est dans les choix pédagogiques ! Le maillage digital/synchrone a démontré son impact largement positif sur la formation. L’enjeu aujourd’hui repose davantage sur le design du parcours et le marketing de l’offre, pour susciter l’engagement apprenant dès l’amont. Au final, le choix d’utiliser des contenus de formation sur étagère ou sur mesure est surtout un arbitrage économique.